Résumés des communications Atelier: Approches bouddhiste et géopoétiqueVendredi 22 novembre 202413:30-14:45: Atelier 5: Approches bouddhiste et géopoétiqueMonika Kocot (University of Lodz): "The Way of Śūnyatā: Poetics of Emptiness in Gary Snyder and Kenneth White"Dans son essai sur Gary Snyder intitulé "The Tribal Dharma" (publié en anglais en 1975, et en français en 2015 et 2021), Kenneth White retrace les inspirations poétiques et spirituelles de Snyder, et tente de montrer son parcours depuis une-archè Beat Generation, la mythologie amérindienne, et diverses écoles de bouddhisme, jusqu'à sa "révolution du dharma". La voie de la Śūnyatā, écrit White, est une voie qui "mène toujours 'nulle part', comme ces Holzwege (sentiers qui se perdent dans la forêt) dont parle Heidegger, 'nulle part' désignant das Seiende in seinem Sein, que l'on pourrait se traduire par 'l'être dans son être' (ce qui semble se rapprocher de ce que les Chinois nomment tzu-jan, 'ainséité'" (Le Gang du Kosmos, 238). Il fait référence à Liou Kia-hway qui, dans son ouvrage L'Esprit Synthétique de la Chine, oppose "le tout abstrait de l'Occident" et la conception orientale d'un "tout concret qui ne souffre aucune séparation'". En convoquant le héros ontologique de Snyder, Han Shan ("Montagne Froide"), ermite-poète zen du VIIIe siècle, White revient à L'Esprit synthétique de la Chine et propose la citation suivante: "Livrons-nous à une perception immédiate du réel empirique autour de nous. Cet éclat de soleil, ce brin d'herbe [...] font surgir aussitôt une présence imposante de l'être ontologique, présence obscure et invisible, où tout est enveloppé et rien n'est exclu [...] présence souveraine et plénière [...], présence qui fait la joie débordante du sage profondément réintégré dans sa source ontologique" (Le Gang du Kosmos, 239). Si White dit des poèmes de Snyder qu'ils empruntent une variété de chemins et couvrent l'envergure du territoire, on ne peut s'empêcher de penser qu'il revient sans cesse sur certains thèmes et tropes qui (seront) au coeur-même dans son propre travail: la blancheur, le vide, Śūnyatā, l'incandescence, l'ainséité, pour n'en citer que quelques-uns. Cette communication propose une analyse comparative des (géo)poétiques de White et de Snyder. L'accent sera mis sur les poèmes qui montrent comment les visions de White et de Snyder convergent, et comment ils reflètent leur pratique spirituelle du vide inspirée par les maîtres et poètes ch'an et zen de Chine et du Japon. Qinghe Song (UMR 9022-Héritages / UMR 8043–IFRAE): "Géopoétique et pensées-praxis du bouddhisme"Les pensées provenant des religions asiatiques, telles que le bouddhisme, le taoïsme et le tantrisme, occupent une place insigne dans la géopoétique. Entre le "monde blanc" et l’Asie, le monde ouvert et le śūnyatā, le monde occidental et oriental, Bouddha et sa terre offrent un pont et des bonds pour le nomadisme intellectuel de Kenneth White. Ainsi, il n'est pas surprenant de voir Kenneth White, parmi ses écrits, citations et critiques abondantes sur le bouddhisme, présenter une sensibilité évidente au dharma et une recherche perpétuelle dans la tradition bouddhiste. En tant que grand lecteur de spiritualités bouddhiques, il dialogue avec différents maîtres, de Gautama à Nāgārjuna, en passant par Suzuki Daisetsu. Les textes bouddhiques dont il traite présentent une richesse et une hétérogénéité; on y trouve au moins trois écoles/branches du bouddhisme qui cristallisent la pensée de White: Mādhyamaka (voie du milieu): Mādhyamaka (voie du milieu) et Chittamatra (rien qu'esprit) sont deux écoles principales du bouddhisme mahāyāna (grande voie). La notion de śūnyatā (vide, vacuité) caractérise l’école Mādhyamaka, une notion que White explore en profondeur. Nāgārjuna (vers 2e-3e siècle), le maître indien et fondateur de cette école, est ainsi le guide de White sur le chemin du śūnyatā. Zen/Chan: une école mahāyāna sinisée en Chine pendant les Dynasties du Sud et du Nord (420-589), héritée et transmise au Japon à l’Époque de Kamakura (1185-1333). La compréhension du bouddhisme de cette école diffère fondamentalement de celle de l’Inde, devenant ainsi une école du bouddhisme chinois. Elle exerce une influence continue dans la philosophie, l’art et la littérature (le haïku, par exemple) de la sphère culturelle chinoise. En 1998, le zen est sélectionné par l’Institut International de Géopoétique dans le "lexique géopoétique", qui recense quinze termes "les plus caractéristiques et significatifs de la pensée de l’auteur". Vajrayāna: une branche mahāyāna et tantrique, apparue sous l’Empire Gupta (3e-6e siècle). Le bouddhisme tibétain assure sa lignée indienne, son évolution himalayenne et sa vitalité de nos jours. White a scruté des termes relatifs à cette branche, tels que dakini, mandala, mahamudra, le dernier étant également choisi dans le dictionnaire géopoétique. En tant que religion en migration, les trois écoles/branches du bouddhisme que White mobilise présentent plus de différences que de similitudes (toutes trois étant mahāyāniennes). Sur le plan temporel, elles sont apparues à un millénaire d'intervalle; sur le plan géo-culturel, elles se sont formées sur les terres indo-sino/japo-tibétaines; et sur le plan bouddhique, elles présentent despensées et pratiques distinctes, voire opposées. Problématique et objectifs: Premièrement, l’état disparate des sources bouddhiques nous pousse à poser cette question: comment K. White traite-t-il et mobilise-t-il ces lectures bouddhiques, qui présentent des caractéristiques souvent hétérogènes voire contradictoires? En replaçant les idées bouddhiques de White dans le contexte du bouddhisme, cette communication vise à mieux comprendre son approche et son appropriation du bouddhisme. Ainsi, il s'agit de clarifier la relation entre la géopoétique et le bouddhisme. D'autre part, en examinant les recherches bouddhistes menées par White, nous espérons découvrir d'autres sources, orientations et inspirations bouddhico-spirituelles et culturelles à explorer et à méditer. Deuxièmement, il est essentiel de comprendre que le bouddhisme repose sur une trinité: "écouter, méditer, pratiquer (le dharma)" (en chinois : wen, si, xiu). Cependant, l'aspect de la pratique bouddhique liée au śūnyatā, au zen et au mahamudra n'est pas suffisamment exploré par les géopoéticiens, bien que ces pratiques soient riches et variées, et qu'elles présentent un profond lien avec la rivière (pierre mani), la terre (kora), le vent (loungta) et, en un mot, avec la nature. De plus, les pensées et pratiques bouddhiques ont inspiré des créations artistiques fécondes, des lettrés laïcs orientaux jusqu'aux artistes contemporains. Cette communication vise donc à examiner les pratiques bouddhiques et artistiques étroitement liées aux réflexions de Kenneth White. On se demande ainsi si les héritages et les expériences bouddhiques peuvent enrichir à nouveau l'approche bouddhico-géopoétique ou ouvrir de nouveaux champs d'exploration. |
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